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Titre
Des fleurs sur la neige
Auteure: Elisa T.
Genre: Autobiographie

Résumé: Issue d'une famille de dix enfants, Elisa est la seule de sa fratrie à être maltraitée par ses parents. Alors qu'elle n'a que deux ans, sa mère, excédée par ses pleurs, tente de la tuer en la jetant du haut de l'escalier. Ce sera le début d'un calvaire qui durera seize ans. 6000 jours et 6000 nuits de cauchemars, où Elisa va subir les coups, les colères et les humiliations incessantes de celle qui lui a donné la vie... Pourquoi lui témoigne-t-elle tant de haine ? Elisa n'obtiendra jamais la réponse à cette question. Lorsque sa mère refait sa vie, le supplice de la petite fille redouble d'intensité: maintenant, elle doit également faire face à la folie de son beau-père, qui la martyrise et tente d'abuser d'elle. Pourtant, malgré cet enfer, Elisa n'aura de cesse de rechercher un peu d'amour dans les yeux de ses bourreaux...

Extrait du prologue"Nous étions dix enfants et je fus la seule à subir un tel traitement. Je ne sais pas pourquoi; j'ai retourné cette question dans ma tête jusqu'à l'obsession. Je n'ai jamais su véritablement les raisons de cette haine; je sais seulement que j'étais de trop dans cette famille. Ils ne m'ont jamais donné les mêmes droits qu'à mes frères et soeurs. Tout ce qui leur importait était d'avoir une parfaite emprise tant physique que mental sur ma petite personne. M'attendre à une pensée gentille de leur part était comme de vouloir faire pousser des fleurs sur la neige."

De son côté: J'adore lire. Je lis presque que des romans autobiographiques. Peut être pour comparer ma vie à celle des autres. Et apprendre à relativiser la mienne. Mais mes études ne me laissent pas le temps d'apprécier ce plaisir depuis longtemps oublié. Alors j'ai profité d'un peu de calme pour lire ce livre. 
Je me suis plongée dans l'histoire tout de suite. C'est très prenant dès le début. Une fois que je l'ai commencé, je n'avais qu'une obsession: Le finir. Ce que j'ai lu, c'est la vie d'une femme anéantie. Une femme meurtrie par la vie. On a peine à croire qu'une chose pareille ait eu lieu. Et surtout ait pu être vécue et supportée durant toutes ces années. De nombreuses fois je me suis demandée comment est-ce qu'elle a pu garder le silence toutes ces années. Mais c'était avant de me rappeler que j'ai fait la même chose quand j'étais une femme battue. Je ne compare pas ma vie à la sienne parce que tout à l'heure, je parlais de relativiser. Et bien je peux vous dire que quand on referme le livre, on se prend une grosse claque dans la gueule.
Ce récit est écrit avec une telle force qu'on ne peut s'empêcher de se sentir impuissant et coupable. Même si l'on sait pertinemment que l'on ne changera pas le cours de l'histoire. Je ne sais pas où est-ce qu'elle a bien pu puiser la force de relater tous ces souvenirs douloureux. Mais comme elle le dit, elle l'a fait pour trouver une autre force: Celle de tourner la page. Même si elle ne pourra jamais parce qu'une vie entière est bouleversée après ça, mais au moins refermer la plaie hémorragique. 
Le récit est maladroit. Pas qu'il soit mal écrit mais on ressent sa culpabilité. Il est écrit avec les mains d'une adulte mais le coeur d'un enfant. Elle s'excuse souvent. Leur cherche des excuses parfois. Elle en arrive à croire que si on ne l'aime pas, c'est évidemment parce qu'elle n'est pas belle.
La lecture se fait tantôt vite. Pour passer au plus vite ses moments violents. Autant physiquement que mentalement. Tantôt à tâtons. Parce que l'auteure est peureuse. On a peur d'aller trop vite et de la brutaliser encore plus. C'est un sentiment étrange.
Elle n'épargne jamais le lecteur. Tous les détails sont donnés. Tous. Pour une fois, elle ne pense qu'à elle et se libère avec la force, la cruauté et l'authenticité qu'elle donne aux évènements. Elle le fait si bien qu'on voit les scènes. Comme si on y était. Ce qui donne une fois de plus une position de malaise pour le lecteur. Et c'est là qu'on se rend compte à quel point elle est marquée, à vif, de ses blessures qui ne se refermeront peut êtrejamais. Parce qu'elle relate des faits avec tellement de précision. Des choses qu'elle commence à raconter lorsqu'elle avait deux ans. Et qui a des souvenirs aussi lointains ? Qui ? Peut être des flashs, oui. Des souvenirs heureux. Mais pas des périodes aussi longues qu'elle les raconte. Tout. Dans les moindres détails. C'est affolant.
Elle fût sans cesse ballottée entre son père et sa mère. Victime de contradictions qui font soulever les sourcils d'étonnement. Incompréhension. Mais elle arrive tout de même à se défaire de ça. Prendre du recul et présenter les choses comme si tout était simple. Les mots sont presque doux. Les phrases sont fluides.
Il y a des choses qui deviennent anormales. Des choses qui ne devraient jamais être vécues, avoir lieu. Comme pleurer dans un orphelinat parce que pour la première fois de sa vie on fête son anniversaire et elle ne comprendra pas pourquoi. Si bien qu'on se rend compte que cette petite fille n'a aucune notion de ce qui est normal ou pas. Pour elle, tout ce qu'elle vit est normal. Elle a donc énormément de mal à s'épanouir et à se faire une place dans la société.
Et du début à la fin de l'histoire, elle ne cesse d'espérer qu'un jour sa mère l'aimera. Qu'elle sera fière d'elle. Qu'elle la considérera. Bien entendu, cela n'arriva jamais. Une ou deux fois, elle a eu une attention envers elle. Et elle espérait si fort qu'on éprouve aussi de la pitié pour cette gamine qui n'a rien demandé à personne.
Et du début à la fin de l'histoire, elle ne cessera d'aimer ses bourreaux malgré tout.
 
De mon côté: J'ai vécu beaucoup de choses pendant cette lecture. Je savais qu'en lisant ce livre, j'allais réveiller mon passé. Mais tant pis. C'est là aussi que mon masochisme se manifeste. Je me suis vue plusieurs fois à travers ses descriptions. J'ai ressenti toutes ses émotions. Sa haine, sa colère, son dégoût.
J'ai, dans un premier temps, et presque de suite après le début de ma lecture, ressenti de la culpabilité. J'ai culpabilisé de lire (Et aimer lire.) ces choses aussi atroces et personnelles. Ce qui m'a amené à me demander si j'étais pas un peu perverse sur les bords. Cette sensation ne m'a jamais quittée. Jusqu'à la dernière ligne. Plusieurs fois j'ai fermé mon livre parce que c'était trop. Parce que je ne pouvais plus continuer.
J'ai ressenti beaucoup de haine et d'incompréhension aussi. Pas seulement pour les "acteurs" mais aussi pour les témoins. Parce que tout le monde savait mais personne ne disait rien. Comme d'habitude quoi. Comment est-ce que des humains peuvent être capable de telles atrocités ? Comment est ce que l'être humain peut être l'auteur d'une telle souffrance ? Comment peut-il ne jamais se rendre compte de ce qu'il est en train de faire vivre à un autre être humain ? Toute la lecture n'est que questions sans réponses. Du dégoût.
J'ai eu pas mal de frissons aussi. Non pas que cela soit habituel chez moi mais là c'était la chair de poule de l'horreur. Ca glace le sang de lire ça. Juste lire et tenter d'imaginer. Parce que même si on essaye, personne ne comprendra jamais. Personne ne saura vraiment quel enfer elle a traversé. Personne. Chaque histoire est propre à chacun.
Et puis pour la première fois de ma vie, j'ai quelques fois eu les larmes aux yeux. Je ne m'en rendais compte qu'une fois qu'elles coulaient le long de mes joues. C'est plus fort que soit. C'était des larmes de tristesse, de compassion et de colère.
 
Avant de partir: Oui, j'ai beaucoup aimé ce livre. Malgré sa dureté. Malgré le retour dans mon passé qu'il a provoqué. Parce que d'abord, il signe le "retour" à la lecture. Cela faisait tellement longtemps. Il m'a rappelé à quel point la lecture pouvait être source de plaisir. Et ensuite parce que ce livre m'a une fois de plus permis de voir les choses autrement. Minimiser mes problèmes. 
Je ne vous le conseillerais pas à tout prix parce qu'il faut vraiment choisir de le lire. C'est pas un livre qu'on prend pour passer le temps. Parce que c'est pas un livre qu'on peut lire en deux heures, "à l'arrache".
Ce livre a été adapté à la télévision québécoise. Avec Céline Dion dans le rôle d'Elisa.
Ce roman a une suite. Un noeud dans le coeur. Où elle raconte tout ce qu'il s'est passé après cet enfer. Comment elle a réussi à apprendre à vivre. Comment elle a trouvé du travail. Comment elle a trouvé l'homme de sa vie. Comment elle a donné la vie. Il faut que je le lise ce livre.

Prochaine lectureLes Hauts de Hurle-Vent, Emily Brontë