"La lecture est une amitié" - Marcel Proust

Jeudi 24 novembre 2016 [0:09]

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Titre
: Quel beau métier vous faites !
Auteur: William Réjault
Genre: Témoignage








Quatrième de couverture: " - Quel beau métier vous faites !
 
Cette phrase-là, je l'ai entendue plus d'une fois en service. J'enfile ma blouse, je suis votre infirmier. Je vous vois nu, je vous vois souffrir, parfois j'écoute ces secrets que vous n'auriez jamais racontés à vos proches. Je suis à votre service, dévoué et compréhensif. Depuis des années, je note des souvenirs, des rencontres, quelques mots griffonnés sur les corps que j'ai croisés, ces rires et ces pleurs, des blessures qui ne partiront pas et des sourires qui me réjouissent encore...

Quel beau métier je fais, oui, laissez-moi vous en parler.
"
 
Mon avis: William Réjault était infirmier. Dans ce livre grinçant, parfois même dérangeant, il raconte avec un humour noir son quotidien. Dans ses différents services rencontrés, au fil de ses patients hors normes et de ces médecins tordus. Il se fait le porte-parole de tous les infirmiers. Parce qu'il s'agit bien de ça, un phénomène de société propre à notre profession. Parce que tout le monde croit que porter la blouse blanche c'est devenir un super héros et laisser de côté notre vraie personnalité, l'être humain qui sommeille en nous ressort parfois dans toute sa noirceur et ses erreurs. 
Il nous montre ici sa capacité à tourner en dérision les incohérences du métier. Il nous livre ses rencontres, tantôt attendrissantes, tantôt humiliantes, tantôt horripilantes. Il nous confie sans ménagement ses frasques, que monsieur tout le monde prendrait pour de la maltraitance mais dont nous sommes obligés de faire preuve pour nous détacher, nous protéger et parce qu'à force de maltraitance de la part de notre chère institution, nous le devenons aussi, malgré nous. Alors même qu'il dépasse les bornes éthiques, il ose parler de manière décomplexée de ces faits réels qui parasitent notre travail et nous empêchent parfois d'être des êtres moraux.
Il nous décrit avec cynisme et justesse toutes les situations absurdes dans lesquelles il s'est retrouvé et comment, à sa façon à lui, il s'en est sorti et protégé. Parce que même si cela fait sourire, c'est notre réalité à nous, soignant, qui devons encaisser et faire preuve de professionnalisme.
 
Son application à se mettre à la portée de n'importe quel individu en fait un récit de société. Il ne sera sans doute pas jugé et perçu de la même manière que l'on soit du côté soignant ou patient mais il est authentique, sans barrage ni retenu.
Il nous parle aussi de ses approches différentes en fonction de la population fréquentée. Là où les uns seront rejetés, les autres seront adorés.
 
Il existe un déséquilibre du rythme, de style, de thèmes et d'idées dans le contenu des anecdotes évoquées, qui donne lieu à des ascenseurs émotifs et la naissance de sensations contradictoires. Mais c'est ainsi qu'il balaye toute la richesse de notre vécu et l'incongruité de nos actions.
 
Ce livre, j'aurais pu l'écrire. Parce qu'on s'est tous retrouvé confronté à ça à un moment donné de notre carrière. Et même si je n'exerce pas depuis 20 ans, j'en ai déjà vu des vertes et des pas mûres. Il dénonce parfaitement l'enfer de notre métier. Ecrit en 2008, ce récit reflète les dérives du monde paramédical qui s'aggrave de jour en jour.
En cette période particulièrement difficile pour moi, il m'a fait beaucoup de bien. Je relativise et déculpabilise de ressentir tous ces sentiments négatifs en moi. Je n'ai jamais autant ri jaune. Je ne me suis jamais autant vue à l'oeuvre. Je me sens moins seule dans cette galère sans nom qui va durer plus de 40 ans.
 
Parce qu'être infirmier c'est être un héros, c'est devenir un perroquet, c'est se découper en cinq, c'est devenir papa et maman, c'est développer un pouvoir hors norme à supporter l'insupportable. Nous n'en restons pas moins des êtres humains pourvus d'un besoin primaire de bienveillance. 
C'est la maltraitance institutionnelle, la non reconnaissance et le manque de moyens qui nous font devenir des automates inhumains.
 
Et parce que ce livre a aussi une fin. Effroyable et glaçante. Elle nous raconte l'homme, l'auteur, qui dans un dernier cri se dévoile et fait tomber ses dernières barrières.
Parce qu'on m'a dit un jour : « On ne sait peut être pas pourquoi on est devenu infirmier, mais il y a toujours une raison. » Cette phrase prend tout son sens ici.
 
Prochaine lectureL'écorchée, Donato Carrisi
Par coldtroll le Samedi 26 novembre 2016 [22:58]
tentative de réconciliation ? :*
Par Kyra le Lundi 28 novembre 2016 [16:56]
Non. Alliance avec mes collègues.
Par Gribouille Lechat le Mercredi 14 décembre 2016 [22:16]
Ma sœur est infirmière, et je sais à quel point c'est dur. Et ce que tu dis est tout à fait juste : c'est l'inhumanité des institutions, l'absurdité de l'administration et le manque de moyens qui vous fait parfois devenir inhumain à votre tour.
Je le vis des deux côtés, car je connais le côté infirmier, mais je suis aussi du côté "patients", avec mon homme qui est très souvent hospitalisé. Et parfois, on a beau savoir ce que vous endurez, on bouillonne de colère, crois-moi, devant les réactions de certains soignants.
Très belle chronique, ceci dit. :-)
 

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